Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/245

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rue d’Assas, en même temps que la voiture qui ramenait Marthe. Les deux jeunes femmes franchirent rapidement le vestibule et, après avoir prié Véra d’attendre avec les enfants dans le petit salon voisin de la chambre à coucher, Mme  Daubrel allait entrer chez Lise pour la prévenir de l’arrivée de ceux qu’on lui rendait lorsque Dumesnil l’arrêta au passage, en lui disant d’une voix étranglée :

— Le prêtre est auprès d’elle ; il est arrivé quelques instants après le départ du commissionnaire que lui avait envoyé Mme  la générale Podoï. Il a eu le pressentiment que sa présence était nécessaire ici.

Véra Soublaïeff, à qui le vieillard s’adressait tout autant qu’à Marthe, s’assit dans un fauteuil et prit Tekla sur ses genoux. La fille voulait obéir à sa grande sœur — c’est ainsi qu’elle appelait naïvement la fille du fermier d’Elva — qui l’avait priée de ne pas pleurer, afin de ne pas faire de la peine à sa mère, et son mignon visage était convulsé par les efforts qu’elle faisait pour retenir ses larmes.

Adossé à la cheminée et la tête baissée, le fils du prince Olsdorf ne disait pas un mot, mais les mouvements nerveux de ses mains jointes exprimaient assez combien il restait difficilement maître de lui. Avec ce courage héroïque que les femmes possèdent souvent dans les circonstances les plus terribles, Mme  Daubrel s’efforçait du regard de calmer Dumesnil. Il semblait que dans ce silence lugubre, on entendit battre à l’unisson tous ces cœurs meurtris.

Près un quart d’heure s’était écoulé lorsque le vénérable J. Wasilieff sortit de la chambre de la malade. À la vue des enfants, il les appela à lui, les embrassa tendrement et les bénit. Après quoi, grave et profondément ému, il s’éloigna en levant les yeux au ciel, sans prononcer une parole.

Marthe était déjà auprès de son amie qu’elle trouva tranquille, presque souriante. On eût dit qu’en écartant de son âme les angoisses, le pardon du prêtre avait rendu à son corps des forces nouvelles.