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joie du prince, l’amazone hardie qu’elle avait été dans ses premiers mois de son mariage.

Ce fut, chez Lise, comme une résurrection, qu’on eût dit la conséquence de l’épanouissement de sa beauté sculpturale et rayonnante, en même temps que ses allures trahissaient une sorte de vitalité nouvelle par un besoin de bruit et de mouvement, dont était surpris son entourage. Aussi ne tarda-t-elle pas à être de toutes les fêtes et à prendre place parmi les femmes à la mode de la haute société russe.

Cependant, malgré cette existence active, frivole, nerveuse, le cœur de la princesse Olsdorf restait calme. Au milieu de la cour d’adorateurs que lui faisaient sa grande situation et sa beauté, elle était demeurée une épouse irréprochable, mais il s’était produit une transformation radicale dans son esprit ainsi que dans son tempérament. Son indifférence pour toutes les choses légères avait fait place à une sorte de curiosité malsaine, et elle prêtait assez volontiers l’oreille aux racontars galants qu’il lui répugnait jadis d’entendre. Son imagination, subitement éveillée, semblait interroger l’inconnu et chercher des émotions ignorées. Au théâtre, elle préférait les drames de l’amour aux comédies de mœurs. Après n’avoir lu longtemps que les romans historiques d’Alexandre Dumas père, elle dévorait maintenant les œuvres épicées qui lui parvenaient de France par fraude, car il existait alors en Russie, comme il y existe d’ailleurs encore aujourd’hui, une censure sévère arrêtant à la frontière bon nombre des ouvrages de nos romanciers les plus connus et les moins moraux.

Dans les premiers temps de son mariage, la princesse, nous l’avons dit, n’avait accompagné son mari dans ses excursions que pour lui être agréable ; maintenant elle était devenue une intrépide sportswoman, ardente à poursuivre le gibier, trouvant dans ces luttes périlleuses d’âpres jouissances, avide, pour ainsi dire, de dangers. Dans ces courses échevelées, montant un de ces petits kleppers, rapide et fougueux, dont on se sert particulièrement pour les chasses, elle était merveilleusement