Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/43

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le monde où ils ont pénétré la vanité, l’outrecuidance, la blague inhérentes à leur tempérament. Certes, le Provençal et le Gascon peuvent être honnêtes, braves, dévoués, intelligents, j’en connais et beaucoup pourvus de ces qualités, mais trop souvent la distinction leur manque. On dirait qu’elle n’est pas compatible avec leur terrible accent, leurs gestes d’épileptiques, leur manie de parler haut, d’appeler les gens par leurs noms propres, de raconter leurs affaires à tout le monde.

Pour quelques hommes d’esprit, certains littérateurs de premier ordre, quelques grands artistes et deux ou trois poètes que le Midi nous a donnés, quels parvenus bruyants, insolents, encombrants Paris ne lui doit-on pas ? À ces gens-là, il semble que tout est dû. Ils se glissent partout, ne doutant de rien, se poussant les uns les autres, âpres à la curée des places et des honneurs plutôt encore qu’avides d’argent.

C’est surtout de la rive droite de la Garonne et du bord de la mer que nous est venue cette funeste invasion, car en remontant vers l’intérieur et en allant à la montagne, les Méridionaux se transforment brusquement. On dirait une autre race. D’abord ils ont moins d’accent ; de plus, ils sont remplis d’incontestables qualités.

Quant aux rastaquouères, ils n’ont pas de patrie, mais sont de partout, du Sud-Amérique aussi bien que des rives du Nil, du golfe du Mexique aussi bien que de l’extrême Orient, et c’est à l’accueil enthousiaste que Paris fait à leurs noms ronflants et à leurs fortunes suspectes que nous devons la plaie qui nous ronge jusqu’aux moelles. Sans aucun des bons côtés des Méridionaux, dont les défauts naissent le plus souvent d’une exubérance de sève et d’imagination, ces étrangers prennent Paris pour une sorte de Capoue moderne ; ils y sont le public des platitudes, les lecteurs des obscénités, les provocateurs à toutes les débauches.

Et de tout cela, il est résulté, dans le ton ainsi que dans les allures, un sans-gêne et une trivialité qui sont en grande partie cause de notre décadence sociale aussi bien, conséquemment, que du succès de ces feuilles