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il était au Grand-Hôtel et, dix minutes après, Yvan, son valet de chambre, prenait le chemin de la rue Laffitte avec une lettre qu’il devait, ou remettre lui-même à la princesse, si elle était chez elle, ou laisser à un domestique, avec recommandation de la porter de suite à sa maîtresse, si on savait où elle passait la soirée. Le prince ne voulait pas que ce billet pût être lu par quelque indiscret avant de parvenir à son adresse.

Rue Laffitte, on apprit à Yvan que la princesse venait de partir pour l’Opéra-Comique, mais on lui affirma qu’un valet de pied allait se rendre au théâtre avec le pli dont il était chargé.

Cet homme, en effet, sortit aussitôt, et le vieux serviteur du gentilhomme russe, en reprenant la direction du boulevard, le vit disparaître dans la rue Marivaux.

On donnait ce soir-là une des pièces du répertoire. Lise Olsdorf était sur le devant de sa loge, tandis que Paul Meyrin, qui l’avait accompagnée, se tenait dans le fond, et, comme toujours, elle prêtait à la musique une oreille attentive, lorsque la porte s’ouvrit. Un peu surprise, car elle n’attendait personne, du moins avant les entractes, la jeune femme se retourna et prit sur le chapeau de son valet de pied la lettre qu’il lui présentait, en disant :

— Que Madame daigne m’excuser, mais un inconnu, en apportant ce pli à l’hôtel, a insisté pour qu’il fût remis sans retard à madame la princesse.

— A-t-on demandé une réponse ? interrogea Lise, en pâlissant visiblement, car, d’un coup d’œil sur la suscription, elle avait reconnu l’écriture de son mari.

— Le porteur est reparti sans rien dire, répondit le domestique.

— C’est bien, allez !

La porte de la loge se referma. Les sourcils froncés, la princesse, qui ne voulait pas ouvrir cette lettre avant la fin de l’acte, semblait deviner à travers son enveloppe ce qu’elle y pressentait de menaçant.

— Qu’avez-vous donc ? interrogea son amant, inquiet de son silence.