Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/200

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa maîtresse à Chatou, dans un petit chalet qu’il avait loué pour un an, sous le prétexte que l’air de la campagne lui était nécessaire, Albert disparut, après avoir, il est vrai, payé d’avance le loyer de la maison.

Ses adieux se résumèrent en dix lignes d’excuses banales, accompagnées de deux billets de mille francs et de la promesse de faire parvenir à l’abandonnée trois cents francs par mois jusqu’à ses relevailles.

En provincial prudent, le fugitif ne disait pas un mot du bébé à venir.

Mme  Mourel ressentit tout d’abord un chagrin profond de cette conduite indigne, et elle éprouva une terreur folle de se sentir seule, dans un pays où elle n’avait pas encore eu le temps de se lier avec personne ; puis, comme elle n’aimait que médiocrement l’infidèle et que le fonds de son caractère était déjà la résolution, elle se consola assez vite, organisa sa vie, se fit quelques relations parmi les artistes, hommes et femmes, qui habitaient Chatou, et six mois plus tard, quand elle fut devenue mère, peu soucieuse de révéler sa véritable situation sociale, elle déclara son enfant sous les noms de Claude-Alexandrine Lasseguet, fille de Rose-Geneviève Lasseguet, père non dénommé.

Ensuite, elle mit sa fille en nourrice dans le pays, chez de braves gens, et s’en retourna à Paris.

Là, les amis qu’elle s’était faits à la campagne la présentèrent au directeur d’un petit théâtre, où bientôt son intelligence et sa beauté la firent remarquer, et alors vingt adorateurs l’assaillirent des plus séduisantes propositions.

Elle choisit avec esprit, au milieu de plus riches,