Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/236

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Elle reconnut ainsi, successivement Madère avec son printemps éternel, ses riches vignobles et ses forêts de citronniers, Ténériffe dont le pic se perd dans l’azur, et le panache de fumée du volcan Fuégo, des îles du Cap-Vert ; puis, favorisée par la brise, elle s’élança à l’ouest, et vingt-deuxjours plus tard, elle naviguait dans des eaux jaunâtres qui indiquaient le voisinage du grand fleuve l’Amazone et, par conséquent, le continent américain.

Malgré les manches à vent qui aéraient la batterie, les transportés étouffaient dans leurs cages et ne quittaient plus les sabords, d’où ils interrogeaient l’horizon pour y découvrir la terre. Ils espéraient y moins souffrir.

Enfin, un matin, l’homme de veille annonça le Connétable, grand rocher, point de reconnaissance pour l’atterrissage de Cayenne.

La corvette doubla ensuite les îles Remire, l’îlot de l’Enfant-Perdu, et, quelques heures plus tard, elle laissa enfin tomber l’ancre dans la petite rade de l’île Royale, l’une des trois îles du Salut, dépôt central, à cette époque, des condamnés que les bagnes envoyaient à la Guyane.

La traversée avait duré trente-cinq jours. Aujourd’hui le voyage se fait en moins de vingt jours.

Ce n’était pas aux îles du Salut que les expatriés pouvaient se faire une idée de la végétation luxuriante des tropiques dont on leur avait parlé avec enthousiasme.

Déboisée trop vite, l’île Royale, où se centralisaient les services du groupe, présentait le plus triste aspect, et le lendemain de leur arrivée, lorsqu’ils furent dé-