Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/360

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— Oh ! je vous en conjure, reprit alors vivement Paul, ne désespérez pas, si vous ne voulez pas que je désespère moi-même. Votre malheur est mon œuvre, œuvre maudite dont je m’accuse ainsi que d’un crime, œuvre que je trouve chaque jour plus horrible, puisque, chaque jour, je comprends mieux quel ange de honte j’ai livré à un époux si complètement indigne. Me pardonnerez-vous jamais ?

Mme  de Blangy-Portal fixait le docteur avec plus de surprise encore que de reconnaissance. Jamais sa voix n’avait été aussi chaude, aussi tendre.

À ses accents qui trahissaient une émotion profonde, un véritable désespoir, elle se sentait tressaillir et se demandait, inconsciemment peut-être, si c’était là le langage d’un homme que le remords seul torturait.

Guerrard avait pris une de ses mains, et ses regards humides ajoutaient encore à l’éloquence de ses paroles.

La duchesse hésita un instant, les yeux à demi fermés, comme pour s’isoler et se rendre mieux compte de ce qui se passait en elle, puis fiévreusement, elle serra la main de son visiteur, le repoussa doucement et lui dit, avec un abandon plein de dignité :

— Oui, mon ami, le bonheur que, du reste, je n’avais qu’entrevu a fui pour toujours. La scène honteuse à laquelle j’ai assisté à Villerville ne s’effacera jamais de ma mémoire, non seulement parce qu’elle a été pour moi un odieux outrage, mais encore parce qu’elle a causé à ma mère la plus irréparable douleur. Pauvre chérie elle s’accuse, ainsi que vous le faites vous-même, du sort qui m’est réservé, tandis que c’est à la fatalité seule que nous devons nous en prendre. Que