Page:René de Pont-Jest - Le Cas du docteur Plemen.djvu/388

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fuyait, pour mes sens surexcités par le désir, si elle n’était pas à moi depuis longtemps, c’était seulement, me disais-je, dans ma volonté de la posséder, parce que l’occasion de sa chute ne s’était pas présentée ; c’était seulement parce que je n’avais pas osé la prendre. Ah ! quand je me souviens que, pendant si longtemps, j’ai vécu de la sorte, depuis ce jour où, me faisant cabotin, moi l’homme grave, j’avais pu lui dire combien je l’adorais.

« C’est dans cet état de vertige que j’étais lorsque, le 22 septembre, dans la soirée, elle me pria de l’accompagner immédiatement à la Malle. Un exprès, envoyé du château, venait de lui apprendre que sa sœur s’était blessée grièvement. Raymond, très souffrant, était remonté chez lui. Nous partîmes, sa femme et moi. Dix heures venaient de sonner ; la nuit était obscure. Nous étions l’un près de l’autre, dans un coupé étroit. À chaque élan nouveau de l’attelage, qui dévorait l’espace, son corps frôlait le mien ; l’atmosphère que je respirais était tiède de son haleine. Les effluves de son corps de vingt ans me grisaient. Alors je la pris dans mes bras, mes lèvres cherchèrent les siennes ; mais elle se dégagea avec une vigueur que je ne lui connaissais pas et me dit, avec un accent inexprimable, tout à la fois de prière, de tendresse et de menace : « Je vous en conjure, laissez-moi. Ne songeons qu’à ma