Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/166

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des flots du Panoor. Parfois un léger bruit me tirait brusquement de mon demi-sommeil ; c’était un couple amoureux de gros pigeons d’Agra qui se posaient en roucoulant sur les branches d’amandiers qui couronnaient mon palkee, ou une pierre qu’un chacal, en longeant les rives du fleuve, faisait tomber dans l’eau.

Dans un de ces brusques rappels à la réalité, je m’éveillai plus complètement. En jetant machinalement les yeux sur le palanquin de Goolab-Soohbee, il me parut que les rideaux s’étaient séparés, et que, par cet intervalle qu’ils laissaient entre eux, un regard brillant parcourait l’intérieur de la tente. Je devais être le jouet d’un rêve : il me semblait distinguer une main maigre, noire et crispée qui faisait glisser sans bruit les tentures sur leurs tringles.

Je fis un mouvement en m’appuyant sur mon coude et je secouai la tête pour reprendre plus complètement mes esprits : la vision disparut. Je regardai autour de moi : rien ne troublait le silence de la tente ; nos chiens étaient toujours étendus immobiles sur le seuil. En prêtant attentivement l’oreille, j’entendais la respiration calme et régulière de la bayadère et le jeu des puissants poumons de Canon ; cependant, comme le bruit d’un corps glissant dans les herbes parvint aussi jusqu’à moi ; mais ce pouvait être un de nos bahîs se retournant sur sa natte. M’en prenant alors à ma sotte imagination de me tenir ainsi éveillé, je laissai retomber ma tête appesantie sur les coussins.