Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/232

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d’un superbe hôtel recouvert de stuc et aux mille fenêtres garnies de stores, ou s’élevant entre deux malheureuses cases de bambous, une grande et sombre demeure dont nul bruit ne s’échappe, dont les rares ouvertures, fort au-dessus du sol, sont étroites et soigneusement fermées par des grillages, dont la porte unique, basse et massive, ne s’ouvre qu’à de rares intervalles.

C’est la maison d’un de ces riches princes marchands de l’Inde. Ils laissent aux Anglais ce luxe extérieur qui les ruine, et accumulent en silence d’immenses richesses, qui leur permettent de réaliser les luxurieuses extravagances des contes arabes. La plupart d’entre eux sont musulmans.

À l’époque du Ramazan la porte s’ouvre à la foule, dont les yeux éblouis peuvent alors contempler ces immenses salles tendues des plus fins tissus de Kaschmir, ces cours de marbre, ces escaliers découpés à jour. Sans distinction de nationalité, chacun peut s’introduire alors et venir prendre place sur les divans, où de nombreux domestiques offrent sans cesse, aux innombrables visiteurs, des pipes et des sorbets ; cela pendant trente jours[1].

Le maître de la maison se tient gravement dans la

  1. Le ramazan est le neuvième mois de l’année musulmane, mais comme cette année est lunaire, et par conséquent de 11 jours plus courte que la notre, au bout de 33 ans, la fête qui, avait lieu primitivement dans le mois le plus chaud (ramidà, chauffer), a parcouru toutes les saisons. On sait que, pendant ce carême de trente jours, les musulmans ne peuvent ni boire ni manger tant que le soleil est sur l’horizon.