Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/319

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Je craignis un instant que le contrebandier refusât, puisque nous devions mettre à la voile dans la journée. Il n’en fut rien. Il accepta, pour lui et pour moi, en prenant le bras de son hôte pour descendre dans la dunette et se mettre à table.

À la fin du repas, l’amiral et moi nous étions les meilleurs amis du monde, et je savais son histoire que voici en quelques lignes.

Vous allez voir que l’amiral siamois était un digne frère de ces vaillants soldats de fortune, les Allard et les Ventura, et un véritable successeur du chevalier de Forbin. Seulement, il ne s’était pas dégoûté au bout de deux ans, ainsi que le compagnon de Jean Bart, de ses équipages noirs ; il y avait, à cette époque, déjà plus de quinze années qu’il était au service de Sa Majesté siamoise.

Sa vie d’aventures commença sur la rade de Bourbon dans les premières années du règne de Louis-Philippe. Il était alors, tout simplement, matelot d’une frégate française d’où, une belle nuit, il s’esquiva à la nage pour échapper à une punition injuste et brutale qui devait lui être infligée le lendemain. Il chercha refuge sur un navire lascar dont le commandant fut frappé de son courage et de son énergie. Bientôt il fut le premier marin du bord. Après dix campagnes dans les mers de Chine, campagnes qu’il employa à s’instruire et à faire, par d’incroyables efforts de volonté, du matelot un officier accompli, il passa au service du roi de Siam, qui recrutait alors sa marine