Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/418

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envoyait jusqu’à nous son ombre gigantesque. Nous hésitâmes un instant à poursuivre notre route, la brise fraîchissait rapidement ; mais, comme nous marchions à la voile, nous espérions trouver meilleur temps après avoir doublé l’île Green. Soudain, au moment où nous allions donner dans le chenal qui court entre cette petite île et Hong-Kong, une rafale de vent debout nous saisit si violemment, que les matelots ne purent amener la voile, et que le faible mât du canot se brisât en deux morceaux en nous faisant incliner sur tribord.

Je crus que nous allions chavirer.

Le danger était sérieux : le courant portait très-rapidement sur les rochers de Hong-Kong ; la mer, tourmentée par les bas-fonds sur lesquels nous nous trouvions, était courte et vraiment mauvaise, et nous n’avions plus de voile pour nous relever de la côte. Pour comble de malheur et par une fatalité inexplicable, l’armement de l’embarcation était incomplet : six avirons seulement pouvaient être bordés, lorsque le double au moins nous eût été nécessaire.

Nos rameurs faisaient des efforts surhumains : nous crûmes un instant qu’ils allaient être couronnés de succès. Mais l’un des avirons de bâbord se rompit brusquement, et le canot, inégalement poussé en avant, tourna sur lui-même en culant du côté des récifs.

— Nous sommes perdus ! s’écria sir John en quittant la poignée du gouvernail qu’un rocher à fleur d’eau venait de démonter. Laissez-moi cette