Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/9

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puis, bondissant bientôt en avant pour rêver des Indes et de la Chine, où je voulais aller.

La nuit était déjà fort avancée lorsque j’aperçus les premières lumières de la ville. J’allais traverser la rivière sur le pont de bois, quand tout à coup des cris perçans parvinrent jusqu’à moi. Je prêtai l’oreille et je reconnus qu’une lutte acharnée avait lieu au milieu des ténèbres épaisses qui couvraient ce petit ravin au travers duquel, pendant la saison des pluies, se précipite avec colère le ruisseau changé en torrent.

Je me laissai glisser le long d’un des poteaux qui soutenaient le pont, et bientôt je pus distinguer, à quelques pas de moi, un homme se débattant au milieu de cinq ou six noirs, contre lesquels il luttait courageusement. Je m’élançai à son secours. Plutôt encore que ma présence et que la vue d’un petit poignard assez inoffensif que j’avais tiré de ma poche, mes cris changèrent subitement la face des choses.

Les nègres s’enfuirent vers le bas de la rivière, en laissant sur les rochers un des leurs presque assommé d’un coup de bâton, et nous nous trouvâmes ainsi, moi sans combat, maîtres du champ de bataille.

À ses exclamations, j’avais reconnu pour un Anglais l’homme au secours duquel je m’étais élancé.

— Sans vous, me dit-il, lorsqu’il fut un peu remis de son émotion, ces canailles m’assassinaient. Je vous remercie, et à charge de revanche. Du reste, je ne l’avais pas volé ! Imbécile que je suis !