Page:René de Pont-Jest - Le N° 13 de la rue Marlot.djvu/169

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Celui-ci appartient au monde, sa culpabilité est encore l’objet d’un doute ; celui-là est un repris de justice, arrêté en flagrant délit. Et c’est auprès de celui-là que vous jetez celui-ci sur le même lit de camp ! C’est dans la même cour étroite qu’ils respireront un peu d’air ; c’est à la même gamelle qu’ils mangeront ; c’est le même gardien qui, les confondant dans le même mépris, leur parlera à tous deux du même ton. Celui-là aura le droit de dire à celui-ci : Camarade ! Cela est horrible !

Et la prison préventive avec le secret, cette torture morale qui ne le cède en rien à la torture physique des derniers siècles, qui a même sur elle cette épouvantable supériorité qu’elle est sans limites, qu’elle peut durer des mois, des années.

La première ne tuait que le corps ; la seconde brise le corps et l’âme ! Ceux qui l’infligent, — par nécessité, nous le reconnaissons, mais seulement au début d’une instruction, — n’ont donc jamais réfléchi à ce qu’il y a d’épouvantable dans cet isolement, loin de tout ce qui vit et pense, dans ce tête-à-tête inflexible avec le désespoir, la terreur et le remords, dans l’ignorance du terme de ce supplice.

Cette torture conduit parfois, comme son aïeule,