Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/170

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une balle qui sifflait à mon oreille. J’eus une inspiration subite. Je me laissai tomber lourdement à terre, et j’imitai le râle d’un agonisant.

« Ce que j’avais prévu arriva.

« Le second monstre sortit de sa cachette et vint s’assurer si j’étais bien mort. Je le laissai s’approcher de moi. Il se mit à genoux et il allait placer la main sur mon cœur lorsque je me redressai tout à coup, l’écrasai sous le poids de mon corps, et plongeai mon poignard dans sa poitrine.

« En cela j’eus tort ; j’aurais dû le maîtriser, le garrotter et l’obliger à me dévoiler les mystères de cette caverne. Mais on ne réfléchit pas à tout dans un pareil moment.

« J’étais donc débarrassé de deux ennemis. En avais-je d’autres ?

« Je l’ignorais absolument. Toutefois, j’étais fondé à croire que la caverne n’était plus désormais habitée que par moi, car personne ne s’était montré au bruit du coup de feu.

« Je me hasardai alors dans la salle où était installée la forge.

« La table que j’avais aperçue était réellement surchargée de pièces d’or ; il y avait des guinées, des roupies, des pagodes, des sequins, des doublons, des dollars, des napoléons, des louis, des roubles, des frédérics, des monnaies de tous les pays et de toutes les valeurs ; seulement toutes ces pièces étaient fausses, je m’en aperçus bien vite.

« Il y avait aussi un amoncellement de perles de toutes dimensions, ainsi que des diamants, des rubis, des améthystes, des opales, des lapis-lazuli ; mais toutes ces perles, toutes ces pierres étaient également fausses.

« J’étais évidemment dans un vaste atelier de faux monnayeurs.

« Je cherchai encore, et je découvris de sortes de placards creusés dans la pierre où des pièces d’or, des perles et des bijoux étaient accumulés.

« Je continuai mes recherches et trouvai enfin le trésor véritable.

« Celui-là, je le mis de côté pour l’emporter si je devais sortir sain et sauf de ce lieu sinistre.

« Quand je fus bien convaincu que personne ne pouvait venir me disputer le terrain, je retournai dans la première salle, et montant l’escalier par lequel j’avais été précipité, j’essayai de pousser la porte de pierre. Mes efforts furent impuissants.

« Je voyais bien des gonds agencés dans un mécanisme qui me parut merveilleusement organisé pour masquer les contours extérieurs de la porte ; mais, soit qu’il y eût un secret pour le faire mouvoir, soit que le rocher fût trop lourd pour céder à la pression d’un homme seul, je ne pus le faire bouger.

« C’est alors que je regrettai amèrement d’avoir tué le second faux-monnayeur, car je l’aurais forcé de m’aider dans ma fuite !