Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/218

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assises, pour mettre fin à cette scène menaçante annonça que le tribunal se retirait pour délibérer.

Mais bien que la suspension de l’audience dût être longue, nul des assistants ne songea à quitter sa place.

Entendre prononcer la condamnation de ces hommes qui avaient semé la terreur dans l’Hindoustan était une satisfaction que tous voulaient se donner.

Ceux qui avaient eu la bonne fortune d’entrer dans la salle d’audience y seraient restés toute la nuit plutôt que de risquer de n’y pouvoir rentrer.

Accroupis les uns contre les autres, les accusés attendaient avec le fatalisme et l’insouciance qui ne les avaient pas abandonnés un instant.

Feringhea seul était debout, dominant de sa haute taille tous ces misérables qui semblaient prosternés devant lui.

À huit heures du soir seulement, les huissiers annoncèrent la rentrée de la cour.

La foule se tut subitement et les accusés se relevèrent.

Les lampes nombreuses qui éclairaient la salle envoyaient leurs rayons sur les physionomies impassibles des Thugs.

Les juges étaient en pleine lumière ; et l’auditoire, perdu dans la pénombre, semblait une masse confuse aux mille regards étincelants.

La garde avait porté les armes ; le bruit des fusils avait résonné comme un glas funèbre.

Lord William Bentick, le président de ce tribunal et les magistrats qui le composaient étaient restés debout et couverts.

Les grands fonctionnaires et les autres personnes qui occupaient sur l’estrade des sièges réservés s’étaient également levés.

La salle d’audience présentait vraiment un tableau grandiose.

L’éminent président lut d’abord les articles du code qui s’appliquaient aux accusés, puis soixante-trois fois le mot : Mort, tomba de ses lèvres.

Il prononça ensuite la condamnation d’autres accusés aux travaux forcés à perpétuité dans les mines.

Vingt des plus âgés étaient frappés de la réclusion perpétuelle. Quatre dénonciateurs seulement devaient être mis en liberté sous la condition de quitter le continent.

Ce dernier arrêt prononcé, sir George Monby ajouta que l’exécution d’un certain nombre de condamnés aurait lieu à Madras même, à la porte de Méliapour, et que les autres seraient dirigés vers Tanjore, Tritchinapaly et Hyderabad pour y subir leur peine.

Feringhea était au nombre des condamnés à mort, mais, ainsi que ses complices, il avait entendu cet arrêt froidement, sans qu’un seul muscle de son visage tressaillît.