Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/276

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Ce fut pis encore lorsque, suivant ceux qui la précédaient, elle mit le pied sur les premières marches de pierre de l’escalier humide qu’il lui fallait descendre la tête baissée, tant la voûte était basse.

L’air était épais et tiède ; elle était obligée de s’appuyer à la muraille visqueuse pour ne pas glisser.

Il lui semblait qu’elle allait défaillir.

Les pâles rayons du fanal, que Jack élevait au-dessus de sa tête pour éclairer le souterrain, jetaient sur les murs des éclairs brusques et des ombres bizarres que son imagination peuplait de fantômes.

Ce passage sinistre, où résonnait à peine le bruit des pas, lui paraissait le chemin du tombeau.

Au pied de l’escalier, Stilson, toujours soutenu par Roumee, tourna à droite.

Elle le rejoignit au moment où il venait d’ouvrir une lourde porte bardée de fer qui avait crié sur ses gonds rouillés.

C’était celle du cachot de Nadir.

Rappelant alors à elle tout son courage, elle saisit le fanal des mains de Jack, en lui disant :

— Laissez-nous, remontez à votre poste.

Le guichetier sembla consulter son supérieur du regard ; mais Stilson était de moins en moins en état de répondre.

Le passage du grand air à l’atmosphère lourde et viciée du souterrain l’avait complètement achevé.

Tout ce qu’il put faire fut de porter instinctivement la main à son front et de saluer pour protester de son dévouement et de son respect.

Jack s’était éloigné.

Roumee, pour se débarrasser de l’ivrogne, l’avait aidé à s’accroupir sur le pas de la porte.

Ada s’était résolûment présentée sur le seuil du cachot.

C’était une petite pièce basse, sordide, ne recevant un peu d’air et de jour que par un soupirail étroit et grillé, qui devait donner sur le chemin de ronde du fort.

Les barreaux enlevés, un enfant de cinq ans n’aurait pu se glisser par cette ouverture.

Tout son ameublement consistait en un lit de camp recouvert d’une natte de rotins, une petite table de bois de teck et un escabeau en bambous.

C’était cette affreuse prison que Nadir n’avait pas quittée depuis quinze jours ; c’était là qu’il devait peut-être attendre la mort, et le surlendemain de son arrestation il avait eu vingt-cinq ans.

De quelles angoisses, de quelles tortures ces murs noircis n’avaient-ils pas été témoins !