Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/285

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

signe d’existence, sauf peut-être pendant la révolte des cipayes de Cawnpore, où elle parut renaître un instant pour livrer les prisonniers anglais et musulmans aux plus horribles supplices.

Après une admirable campagne, qui restera l’honneur de l’armée anglaise et pacifia l’Inde entière en moins de trois mois, le vice-roi fit aux Hindous des concessions de nature à ne plus leur permettre de prendre le prétexte religieux le plus futile pour se révolter.

Le soulèvement des cipayes n’avait eu d’autre cause apparente que l’obligation où étaient ces soldats indigènes de graisser leurs fusils avec de la graisse de porc.

On leur laissa fourbir leurs armes avec ce qui leur convint, et on autorisa les sectateurs de Kâly à se faire martyriser en son honneur.

On exigeait seulement qu’ils vinssent déclarer leurs intentions devant le magistrat du lieu, et on crut alors qu’on en avait fini pour toujours avec les adorateurs de la grande déesse.

En effet, durant de longues années, on n’entendit plus parler des Thugs, sauf de temps en temps, à des intervalles irréguliers, et seulement comme des voleurs de grands chemins qui détroussaient les voyageurs, aussi bien les Hindous et les Musulmans que les Européens.

Cela était l’affaire de la police et de la justice, mais non plus celle du gouvernement ni de l’autorité militaire.

On regardait le Thugisme comme tout à fait disparu, et cependant, par une espèce de respect pour la tradition, on continuait à surveiller certains personnages que les fonctionnaires, qui se succédaient dans les commandements des places fortes ou dans le gouvernement des villes, ne manquaient jamais de se recommander mutuellement.

Il y avait au parquet de chaque résidence une liste de suspects, une sorte de dossier judiciaire qu’on consultait de temps en temps.

Or, Romanshee était sur la liste des suspects d’Hyderabad depuis plus de vingt ans. On ne s’expliquait pas que, compromis jadis dans le procès de Feringhea, il eût été mis en liberté et n’eût jamais été inquiété par la suite.

Ce résultat heureux pour le vieux précepteur de Moura-Sing et de Nadir était dû à une des plus ingénieuses combinaisons de l’organisation du Thugisme.

Indépendamment des maîtres, qui étaient souvent les brahmines les plus respectés et les plus grands propriétaires indigènes du pays, initiés ceux-là à tout ce qui intéressait la secte ; indépendamment des instruments aveugles choisis dans les basses castes, l’association avait des affiliés qui ne savaient rien de ses crimes et qui peut-être même n’y croyaient pas.

C’étaient des prêtres irréprochables, des négociants honorables, des gens ne respirant que le respect des lois et l’amour de la patrie, et ne voyant