Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/287

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Mais, de ses deux élèves, il était évident que Nadir était celui que Romanshee préférait.

On eût dit parfois même qu’il ne lui parlait qu’avec un respect mêlé de terreur.

Vingt années se passèrent ainsi, pendant lesquelles le brahmine vécut entouré de l’estime générale et dans le calme le plus parfait, partageant son temps entre ses fonctions à la pagode et l’instruction de son disciple bien-aimé.

Soudain il changea d’existence et d’habitudes. On le vit recevoir des hommes inconnus, conférer de longues heures avec eux dans une salle basse qui s’étendait dans le sous-sol du temple, en-dessous de la statue de Vischnou, et entretenir avec le Nord de l’Inde une correspondance fréquente.

Tous les six mois, lui qui n’avait jamais quitté Hyderabad, il s’absentait, sous le prétexte de faire un pèlerinage à Jaggernaut ou à Salcette.

Peu de temps avant l’époque où nous plaçons ce récit, son voyage avait duré quatre mois entiers.

À son retour, il avait dit à tout le monde qu’il était allé jusqu’à Badrinath, au milieu des monts Himalaya, mais sir William Dudley avait appris, par hasard, qu’après être, en effet, remonté vers les sources du Gange, Romanshee s’était dirigé vers l’Ouest, c’est-à-dire chez les Sicks, dont un nouveau soulèvement était imminent.

À partir de ce moment-là, le père de Sita fut surveillé ; on consulta les livres de la résidence où on trouva son nom sur la liste des suspects ; on fouilla son passé, ce qui apprit les rapports qu’il avait eus avec Feringhea ; on intercepta plusieurs courriers qui lui étaient adressés, et comme ces hommes refusèrent de parler, même sous le fouet, l’arrestation du brahmine fut décidée.

Ce même soir où Moura-Sing faisait ses adieux à Nadir, Romanshee était rentré au temple avant la fin du jour. Un pèlerin l’attendait, dévotement agenouillé devant la statue de Vischnou que Sita ornait de fleurs.

Le brahmine laissa sa fille à sa pieuse occupation et conduisit l’inconnu dans la maison qu’il habitait, entre la première et la seconde enceinte de la pagode.

Là, il apprit que cet homme qu’il ne précédait que de quelques heures deux courriers qui lui étaient envoyés du Nord et qui avaient les communications les plus importantes à lui faire.

Au même instant, on frappa à la porte d’une façon évidemment convenue, car il s’empressa d’ouvrir.

C’était Schubea. Le nouveau serviteur de Moura-Sing venait l’informer que le départ de son maître était fixé au lendemain.