Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/309

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voir, en pénétrant dans la grande pièce qui occupait tout le rez-de-chaussée, un homme dans l’attitude de la prière.

C’était le brahmine dont lui avait parlé Nadir.

En entendant des pas derrière lui, le prêtre s’était relevé.

Il s’inclina respectueusement devant la jeune fille qui venait de lui remettre l’anneau du mort, et seulement en levant la tête, il s’aperçut avec étonnement qu’elle était accompagnée d’une autre femme.

— Sita ! s’écria-t-il en reconnaissant l’Hindoue, qu’il avait prise d’abord pour une suivante.

— Moi-même, Nanda ! Mon fiancé me croyait morte, et l’étrangère a pris ma place pour lui rendre les derniers devoirs. Nous serons deux pour prier. Renvoyez ces hommes ; nous devons être seules ici.

Le brahmine paraissait en proie à une émotion profonde, mais il avait entre les mains l’anneau du Maître.

Il courba la tête, prêt à obéir.

Pendant ce temps, les porteurs avaient posé le cercueil sur le sol, et le cipaye, avec la lame de son sabre, en avait fait sauter les planches supérieures.

Après avoir généreusement payé ses ouvriers, il les avait conduits jusqu’à la porte qu’il avait barricadée derrière eux.

Lorsqu’il rentra dans la salle, Sita et la fille de sir Arthur venaient, avec l’aide du brahmine, d’enlever le cadavre de la bière.

Elles l’avaient étendu sur un tapis épais, la tête soulevée par un coussin.

Les lumières l’éclairaient en plein visage.

Ses traits n’avaient subi aucune altération ; sa peau avait seulement la couleur de la cire, avec quelques taches noirâtres, çà et là.

Le brahmine leva les yeux au ciel comme pour appeler Vischnou à son aide ; les deux femmes s’agenouillèrent, après avoir jeté un regard furtif sur le corps inanimé.

Roumee, adossé à la muraille, assistait muet à cette scène étrange.

Le silence s’était fait, troublé seulement par le crépitement des flambeaux et le murmure des prières.

Cela dura longtemps, une heure peut-être.

— Le moment est venu, s’écria soudain le brahmine ; femmes, éloignez-vous !

Le vieillard, l’air inspiré, l’œil flamboyant, s’approcha du mort.

Miss Ada et Sita avaient relevé la tête et lui avaient fait place.

Le brahmine se pencha sur le corps, l’examina longuement, et prenant le bras droit de Nadir, le souleva jusqu’à ce qu’il fît avec sa poitrine un angle de 25 degrés à peu près.

Après l’avoir soutenu quelques secondes dans cette position, il retira sa