Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/322

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j’ai vécu enfant et où souffre peut-être encore ma mère. L’occasion s’offre à moi, je la saisis. Je partirai.

— Mais, votre père ?

— Oh ! sir Arthur Maury ne s’opposera pas à mon départ, je vous l’assure, et s’y opposât-il, je saurais bien lui échapper.

Nadir réfléchissait à son tour.

Il se demandait si ce n’était pas le ciel qui lui envoyait cette femme aimante et dévouée, pour être un de ses instruments les plus utiles dans ce pays dont il ignorait les mœurs et les usages.

De plus, il était fier de cet amour qu’il avait inspiré à une fille des oppresseurs de sa race. Il lui semblait que c’était là une première victoire qu’il remportait sur ses ennemis.

— Eh bien ! soit, miss, lui dit-il en serrant ses mains dans les siennes, préparez votre départ. Je ne puis faire le chemin avec vous ; mais si vous le voulez, nous nous retrouverons à Bombay dans les premiers jours d’avril. Vous avez un mois pour vous y rendre.

— Oh ! j’y serai, répondit fermement et en souriant la jeune fille.

— Alors, miss Ada, ce n’est plus adieu, mais au revoir. À Bombay, dans un mois !

Et, après l’avoir serrée un instant dans ses bras, il s’éloigna rapidement pour cacher l’émotion involontaire qui s’était emparée de lui.

— À Bombay, dans un mois ! avait-elle répété en suivant avec amour dans le silence de la nuit le bruit des pas de Nadir. Elle comprenait qu’elle venait de s’enchaîner à lui pour jamais.

Peu d’instants après, la fille de sir Arthur rentra chez elle, et pour la première fois, depuis bien des nuits, s’endormit d’un sommeil calme et réparateur.

Dès le lendemain, elle fit part à son père de son projet de retourner en Angleterre.

Ainsi qu’elle s’y attendait, il ne le combattit que pour la forme.

Après ce qui s’était passé et le refus de la jeune fille de se marier, il aimait autant qu’elle s’éloignât.

Elle lui proposa généreusement de lui abandonner tous ses droits sur la succession de sa mère en échange des 10,000 livres qu’il lui avait offertes en dot, et ils décidèrent qu’elle se rendrait dans le Devonshire, chez la vieille tante qui l’avait élevée après la mort de lady Maury.

Tout cela bien convenu, miss Ada pressa ses préparatifs de départ.

Elle devait profiter du service régulier qui, toutes les semaines, allait d’Hyderabad à Bider.

Dans cette ville, à l’aide des amis auxquels elle serait recommandée, elle se procurerait facilement les moyens de gagner Bombay.