La fille de M. Berney était véritablement émue de cette profonde douleur.
À la reconnaissance qu’elle avait pour James s’était jointe une sympathie réelle. De plus, elle connaissait Mary et elle ne pouvait se pardonner d’être la cause première, quoique bien involontaire, de la perte de cette enfant dont le frère l’avait sauvée.
Il lui semblait qu’elle était complice de ce crime odieux.
Ses grands yeux humides attachés sur James, elle se demandait par quelles paroles elle pourrait le consoler, car elle sentait bien que la faute d’Edgar était irréparable.
Elle savait que son frère menait une existence irrégulière, et elle avait assisté souvent, malgré elle, aux scènes violentes que sa mauvaise conduite lui avait attirées de la part de son père.
Ces souvenirs ne lui permettaient que bien peu d’espoir.
Trop exclusivement préoccupé de ses intérêts, M. Berney n’avait pas assez surveillé son fils, qui était peut-être le seul de tous ceux qui l’entouraient pour qui il eût quelque faiblesse.
Edgar s’était hâté d’en abuser. Il n’était question dans le monde de club où il vivait que de ses folies, de ses paris excentriques, de ses dettes.
De plus, M. Berney passait pour un homme dur et inflexible.
Il était toujours à la tête des comités de résistance lorsqu’il s’élevait quelques difficultés entre les patrons et les ouvriers, quand il s’agissait de lutter contre les grèves.
S’adresser à lui dans la circonstance présente semblait donc à peu près inutile à la jeune fille, qui n’ignorait rien du caractère de son père. Cependant lui seul pouvait exiger de son fils l’unique réparation qui pût être offerte à Mary.
Mais, malgré tout, elle ne put rester plus longtemps en présence de la douleur de cet homme, si jeune, si brave, qui lui avait sauvé la vie et qui pleurait.
— Venez, lui dit-elle tout à coup, comme si elle eût pris une résolution subite ; allons trouver mon père !
— Votre père ! miss, dit James en relevant la tête. Que peut-il faire pour nous à présent ? Nous offrir de l’argent !
— Oh ! il ne l’oserait pas. Venez, mon ami, je le veux ! Je vous en prie !
Le jeune homme leva alors les yeux sur miss Emma, et, pour la première fois peut-être il osa la regarder longuement.
À la vue de l’émotion peinte sur son visage, il ne put s’empêcher de lui prendre la main qu’elle lui tendait affectueusement et de la presser en lui disant :