Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/461

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À Londres, les enrôlements s’élevèrent en quelques jours à plus de quarante mille.

On fit plus encore : les magasins d’armes devinrent l’objet d’une surveillance tout spéciale ; et comme on n’ignorait pas qu’il se trouvait un grand nombre de fenians parmi les ouvriers des ports, on doubla les postes dans tous les arsenaux.

Le gouvernement enfin n’oublia pas ce moyen qui lui réussit toujours si bien : celui des primes aux délateurs, mais cette fois ce fut en pure perte ; il ne lui fut livré aucun chef, et le docteur Harris continua à vivre à Londres sans éveiller les soupçons et en préparant lentement et patiemment sa revanche.

Depuis deux ans, il était parvenu à reconstituer la vaste association, mais les réunions des différents chefs ou heads centres étaient rares et seulement lorsqu’il s’agissait de prendre quelque mesure énergique.

Or, une assemblée de ce genre s’était tenue peu de jours avant la nuit où nous avons rencontré les quatre ouvriers de M. Berney.

Il y avait été décidé un mouvement général qui devait se produire, selon les villes où il éclaterait et selon les disposition de la population.

À Manchester, Liverpool, Newcastle, Birmingham, ainsi qu’à Londres, il ne pouvait être question que d’une grève des ouvriers, grève qui, grâce à l’exaspération des esprits, finirait bien, les chefs l’espéraient du moins, par le pillage et l’incendie des manufactures les plus importantes ; mais en Irlande, le mouvement devait être exclusivement révolutionnaire, dans le but unique et bien défini d’arriver à la séparation du troisième royaume et à la proclamation de la République.

C’était la première de ces décisions seule que les heads centres avaient communiquée aux membres de leurs sections respectives, et dans le meeting de Clerkenwell, auquel avaient assisté les ouvriers de M. Berney, le docteur Harris avait obtenu, au milieu des hourrahs, la promesse d’une grève générale pour la semaine suivante.

Il s’en rapportait à la misère et aux émissaires qu’il possédait dans toutes les grandes usines pour que la démonstration cessât bientôt d’être pacifique.

Ainsi, chez M. Berney, qui employait près de deux mille ouvriers, il avait à ses ordres Welly et Cromfort. Il les avait chargés d’entraîner James dans le mouvement, certain que Tom suivrait son ami.

Seulement, il ne savait pas qu’il pût exister quelque rapport que ce fût entre ces deux âmes damnées et le comte de Villaréal.

Il avait souvent aperçu ce dernier dans les meetings, et sa physionomie sévère et sombre l’avait effrayé, car il l’avait pris d’abord pour quelque manufacturier ; mais après s’être assuré que l’étranger ne jouait aucun rôle