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Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/470

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Le docteur, qui n’avait pas été prévenu par son compagnon, passa auprès de la pauvre femme sans faire attention à elle.

— Je voudrais causer un peu avec vous sans être entendu, dit le comte à Bob, dont les regards ne s’étaient pas arrêtés sans inquiétude sur Harris qu’il ne connaissait pas.

— Parfaitement, si Vos Seigneuries veulent bien me suivre.

— Comment ! Nos Seigneuries ? dit Villaréal.

— Oh ! je sais ce que je dois à Votre Honneur.

Le tavernier venait de reconnaître dans l’étranger, malgré son déguisement, l’homme qu’il avait vu l’avant-veille avec Cromfort et ses amis, et, de plus, se rappelant l’exclamation de Saphir, il avait immédiatement supposé que le faux matelot pouvait bien être quelque grand personnage, peut-être même ce protecteur millionnaire de l’enfant dont il avait fait une courtisane.

— Tant mieux alors, si vous savez ce que vous nous devez, répondit Villaréal, nous allons pouvoir nous entendre.

En échangeant ces quelques mots, ils étaient entrés tous trois dans cette petite salle où nous nous sommes introduits déjà en compagnie de Saphir.

Bob en avait fermé la porte derrière lui.

Il était d’ailleurs sans grande inquiétude, car, toute réflexion faite, il pensait que ses deux visiteurs n’avaient à lui parler que de ce fameux caveau qu’il avait disposé, à la demande du mulâtre, pour la réunion des gens sans aveu qui étaient aux ordres de ce dernier.

Aussi fut-il assez surpris lorsque le comte, en le désignant à son compagnon, dit brusquement :

— Voici votre homme, docteur.

— Vous êtes Jack Thompson ? demanda alors Harris en fixant le maître du lodging house.

Le misérable s’attendait si peu à cette question qu’il se trahit par l’expression de terreur qui se répandit immédiatement sur son visage.

Il voulut cependant essayer de nier.

— Jack Thompson, dit-il en balbutiant, qu’est-ce que c’est que ça ? je ne connais pas. Je m’appelle Bob, Nicolas Bob.

— Aujourd’hui, oui, reprit Villaréal ; mais il y a quelques années, tu te nommais Thompson et tu habitais Dog’s lane.

— Que diable !…

— C’est inutile de nier, interrompit le comte ; nous ne te voulons aucun mal, si tu nous dit la vérité. Au contraire, nous te payerons en conséquence. Tu as recueilli dans Dog’s lane une pauvre femme qui était folle et s’était échappée de l’hospice de Bedlam.

— Ah ! le petit serpent ! c’est Saphir qui m’a trahi !