Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/480

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elle reposait déjà depuis quelques instants, lorsque sa femme de chambre la réveilla pour lui dire que le domestique du comte avait à lui parler.

— Qu’il entre ! fit-elle, surprise et inquiète tout à la fois.

— Ne craignez rien, madame, dit le mulâtre qui avait suivi la camériste jusqu’à la porte et qui, en entendant l’ordre de Saphir, avait pénétré dans la chambre. M. le comte désire que vous veniez immédiatement à l’hôtel, mais il ne lui est rien arrivé de fâcheux, au contraire !

— Dites-moi au moins…

— Je ne suis pas autorisé à mieux vous instruire. Je suis seulement à vos ordres pour vous accompagner. J’ai une voiture en bas.

— C’est bien, je vous suis. Le temps de passer une robe.

Moins de cinq minutes après, Saphir était prête.

Enveloppée dans un peignoir, un cachemire sur les épaules et une mantille sur la tête, elle allait franchir le seuil de sa maison, lorsqu’elle aperçut un inconnu qui, bien certainement, se préparait à sonner à la porte, car, en voyant la jeune femme, il s’approcha d’elle.

— Que voulez-vous, monsieur ? demanda-t-elle à ce visiteur nocturne.

— Pardon, madame, répondit celui-ci, n’est-ce pas ici l’hôtel de mademoiselle Saphir ?

— Oui, monsieur, et mademoiselle Saphir, c’est moi !

— Alors, madame, ma commission sera bientôt faite ; je venais chercher chez vous de la part de son père, M. Edgar Berney. Il lui est arrivé un grand malheur et il désire que son fils aille immédiatement le retrouver.

— Quel malheur ?

— Son usine vient d’être pillée et incendiée par ses ouvriers révoltés.

— Que me dites-vous là ?

— La vérité, malheureusement, madame. Vous comprenez donc combien la présence de M. Edgar est nécessaire à M. Berney.

— Je suis vraiment désolée, monsieur, mais Edgar est parti de chez moi il y a déjà plus d’une demi-heure. Peut-être est-il allé à son club avant de rentrer chez son père. Voulez-vous que je fasse réveiller un de mes gens pour aller le demander ?

— C’est inutile, je vais me mettre moi-même à sa recherche ; excusez-moi de m’être présenté à pareille heure.

— Vous êtes tout excusé, monsieur ; vous voyez que je suis obligée moi-même de sortir au milieu de la nuit pour affaires pressantes. Allons, partons, Yago.

La jeune fille, après avoir salué l’inconnu, avait sauté dans la voiture dont le mulâtre tenait la portière ouverte !

L’envoyé de M. Berney remarqua seulement alors l’homme qui accompagnait Saphir, et un des rayons de la lanterne ayant éclairé Yago au