Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/532

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sabords comme des curieuses à leurs balcons, quatre petite pièces d’acier qui donnaient à cet aviso de plaisance un aspect singulièrement guerrier, quoiqu’il fût permis de supposer qu’elles ne s’y trouvaient que comme ornements et objets de luxe.

Peut-être eût-on changé d’avis si on était entré dans une large cabine ménagée dans la dunette et renfermant des râteliers chargés d’armes à feu et de haches d’abordage.

L’Éclair était commandé par le capitaine Léoni, portugais à la physionomie énergique, que le seul mot : Angleterre, avait le privilège de mettre dans des colères farouches.

Son équipage, y compris les chauffeurs et les mécaniciens, se composait d’une trentaine d’hommes solides, déterminés, bons matelots qui avaient été recrutés un peu partout.

Jamais, lorsque le yacht était dans une rade ou dans un port, il ne devait y avoir plus de dix à douze hommes sur le pont. C’était là un ordre formel que personne ne songeait à enfreindre, car chacun comprenait à bord que l’Éclair devait, avant toute chose, avoir les allures les plus pacifiques.

Au moment où nous sommes arrivés, deux hommes se promenaient sur la dunette.

C’étaient Villaréal et Harris.

Par le travers du grand mât, appuyés sur le bastingage se tenaient Tom et Yago.

— Sir Richard Mayne peut mettre tous ses agents à notre poursuite, dit le comte en montrant avec orgueil au docteur le sillage que le yacht laissait derrière lui ; je ne connais pas dans la marine anglaise un seul navire que l’Éclair ne battrait pas de deux nœuds à l’heure.

— C’est vrai, répondit Harris, je n’ai jamais vu un semblable marcheur ; je crois que nous n’avons plus rien à craindre.

— Nous allons alors, si vous le voulez, en finir de suite avec Edgar Berney ; nous pourrons ensuite prendre le large.

— Soit ! mais épargnez-moi la vue de cet homme ; elle me serait odieuse.

Ne pouvant oublier que le fils du manufacturier avait été l’amant de sa fille, le docteur avait pour lui presque autant de haine qu’il en éprouvait pour sir Arthur Maury et ses fils.

Il s’empressa de descendre dans la chambre, pendant que, sur l’ordre de son maître, Yago se rendait dans la cabine où le séducteur de Mary était enfermé depuis plus de quinze jours, sans pouvoir se rendre compte des causes de son enlèvement, car il n’en accusait pas Saphir.

En entendant ouvrir sa porte, Edgar, qui était encore couché, se leva brusquement.