Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/548

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duc de Ribeira, qui voyageait avec sa femme, son médecin et quelques serviteurs.

Vers midi, en effet, l’intendant du noble touriste descendit à terre pour retenir le plus bel appartement de l’Hôtel de l’Europe, et le soir même les voyageurs débarquèrent.

Les quelques personnes qui s’étaient trouvées sur leur passage avaient remarqué que la duchesse de Ribeira était remarquablement belle, mais qu’elle paraissait souffrante, et on en concluait que son mari ferait un long séjour à Ceylan où le climat, dans certaines parties, surtout aux environs de Candy, est d’une grande salubrité.

Lorsqu’une semaine se fut écoulée, on fut certain que c’était bien là le projet du duc de Ribeira, car il avait loué, sur la route de Colombo à Candy, à une demi-lieue du rivage, une villa splendide où les ouvriers s’étaient aussitôt mis à l’œuvre. De plus, il s’était présenté au consulat portugais, ainsi que chez le gouverneur anglais et chez les principaux résidents.

Les nouveaux arrivés avaient été reçus avec distinction, et le docteur avec un empressement tout particulier, car on avait appris du consul américain qu’il se nommait Harris et était un des praticiens les plus célèbres des États-Unis.

Ce nom dit assez à nos lecteurs que le duc de Ribeira n’était autre que Villaréal, ou plutôt Nadir.

Après avoir fait escale à Lisbonne, où il avait acheté facilement son nouveau titre, l’Hindou avait visité les Antilles, le Brésil et la colonie du Cap, puis, remontant vers le Nord, il était arrivé à Ceylan.

Harris l’avait interrogé parfois sur ses projets d’avenir, mais Nadir s’était toujours contenté de lui répondre :

— Avant de rien décider, j’ai deux serments à tenir ; après, nous verrons.

Et cependant notre héros était plein de reconnaissance pour le docteur, qui, depuis six mois, soignait Ada avec un dévouement paternel.

Brisée par les dernières émotions de son séjour à Londres, douloureusement affectée de s’être séparée si brusquement de sa mère, après avoir eu tant de mal à la retrouver ; ayant toujours sous les yeux cette épouvantable scène du naufrage du Duc d’York s’engloutissant avec son père et ses frères, la jeune femme était tombée gravement malade, et il n’avait fallu rien moins que toute la science d’Harris et toute l’affection de son mari pour lui conserver la vie.

Mais l’Américain craignait que ses efforts ne fussent pas toujours couronnés de succès et il ne l’avait pas dissimulé à Nadir.

Ada, en effet, souffrait d’un mal étrange auquel la science ne connaît pas de remède, parce que c’est l’âme qui est atteinte. Le changement de cli-