Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/77

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« L’enfant, qui avait quinze années à peine, semblait orgueilleux de son forfait.

« Il n’avait même pas cherché à fuir.

« Quant au malheureux Ouddein, ses entrailles sortaient par une horrible blessure et il se tordait dans les convulsions de l’agonie.

« Ce qui venait de se passer changea mes dispositions à l’égard du prêtre.

« Je l’emmenai, lui, sa femme et ses enfants, sans pouvoir leur arracher un mot.

« Ce ne fut qu’à notre arrivée à Sani, lorsqu’il vit qu’on le séparait des siens, que son désespoir se traduisit en malédictions et en blasphèmes.

« Puis tout à coup il me proposa, si je voulais lui rendre la liberté, de me faire connaître un bhil où je trouverais de nouvelles preuves des attentats des Étrangleurs.

« Je refusai en ce qui le concernait, lui et son fils aîné, l’assassin d’Ouddein ; mais je lui promis de renvoyer sa femme et ses deux autres enfants s’il voulait tout avouer.

« Le lendemain matin, il m’indiqua les places de quatre-vingt cadavres ensevelis jusqu’au milieu des jardins de Sani.

« Tous ces corps, enfouis depuis quelques semaines seulement, étaient horriblement mutilés.

« À quelques-uns même la tête et les bras avaient été arrachés, surtout aux femmes et aux enfants.

« Après avoir donné des ordres pour que ces tristes débris fussent pieusement recouverts et mis à l’abri de toute violation, je me disposai au départ.

« Cependant, avant de quitter Sani, je mis en liberté la femme et les enfants du brahmine ainsi que je l’avais promis ; mais je jugeai convenable d’emmener avec moi notre espion, le barbier Mouranee, puisqu’il refusait de me dire son véritable nom et de me donner des explications satisfaisantes au sujet de l’enfant avec lequel il avait été arrêté.

« Je ne voulus pas non plus m’éloigner sans visiter le lieu du combat de la nuit précédente, pour ne pas laisser sans secours les blessés qui avaient pu y rester et sans sépulture ceux qui avaient succombé.

« Je fis ensevelir profondément les cadavres, ceux des Thugs aussi bien que ceux de mes soldats, et quittai ce lieu sinistre.

« Je revins naturellement à petites journées, car, si pressé que je fusse de rendre compte de mon expédition, je tenais à ne pas épuiser mes hommes. Malgré cette précaution, trois soldats moururent en chemin des suites de leurs blessures, ainsi que six Étrangleurs.

« En arrivant à Madras, j’ai remis tous les prisonniers entre les mains du capitaine Anderson, commandant le fort Saint-Georges.