Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/83

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je connaissais l’arrestation de Feringhea. Il ne serait pas ici si j’avais écouté mes pressentiments.

Feringhea ne répondit à ces mots que par un sourire de mépris et l’accusé continua :

— Toutes les bandes du sud et du Dekkan devaient y être représentées, mais malheureusement les circonstances sont devenues rapidement trop graves pour nous permettre d’attendre plus longtemps, afin d’aviser au moyen de fuir les poursuites. Sans quoi, au lieu d’être six cents à Rani, vous nous y auriez trouvé deux mille au moins. Peut-être n’auriez-vous pas eu aussi bon marché de nous.

Le président. — Qui vous a prévenu de l’arrestation de Feringhea et de ses dénonciations ?

Hyder-Ali. — Un envoyé de Sap-Sati, qui lui-même avait été mis au courant de ce qui se passait par le vieux gooroo Roop-Singh.

Le président. — Quelle était cette malheureuse femme que vous avez fait jeter au bûcher ?

Hyder-Ali. — La veuve d’un riche marchand de Tritchinapaly. Elle avait juré à son mari de se brûler avec lui, et avait placé les mains sur son corps pour affirmer son serment. Mais, lâche et sans cœur, elle avait réussi à s’enfuir la veille du sacrifice.

Le président. — Et vous vous êtes fait le juge et le bourreau de cette femme, jeune mère de famille, qui tenait à la vie ?

Hyder-Ali. — Elle n’avait plus de famille, elle n’avait plus d’enfants. Toute femme de sa caste qui viole son serment est à jamais bannie de la présence des siens. Ses enfants l’honorent morte ; vivante, ils n’auraient jamais voulu la revoir.

Le président. — Et lady Buttler ; pourquoi ce sacrifice ? vous ne le mettrez pas, celui-là sur le compte de vos coutumes religieuses ?

Hyder-Ali. — Ce sacrifice était nécessaire. Je voulais faire un exemple. Les Thugs du Nord et ceux du Sud sont en désaccord à propos des femmes des étrangers. Je voulais prouver que le suttee d’une femme blanche est également agréable à la divinité.

Le président. — Alors c’est vous qui, au moment où son mari allait l’arracher à l’abîme, l’avez de nouveau entraînée dans le fleuve ?

Hyder-Ali. — Ce n’est pas moi.

Le président. — Savez-vous qui ?

Hyder-Ali. — C’est un de mes hommes qui a voulu que les augures fussent obéis, et qui, plutôt que de laisser échapper la victime, s’est englouti avec elle.

Le président. — Comme chef de bande, vous étiez en rapport avec les autres chefs du Sud et du Dekkan ?