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Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/86

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terminé, on mit des cordes en travers sur le bûcher, et par-dessus une grande pièce d’étoffe blanche sur laquelle le mort fut placé.

« La veuve fit sept fois le tour du bûcher en jetant autour d’elle des poignées de riz et des cauris (petits coquillages des Maldives servant de menue monnaie) qu’elle portait dans ses mains, et qui sont, pour ceux qui les recueillent, des objets sacrés.

« Quand elle eut fini les sept tours, elle monta sur le bûcher et s’étendit sur le corps de son époux, en le pressant dans ses bras. On releva sur elle les deux côtés de l’étoffe, et, avec les cordes placées par-dessous, on attacha les deux corps.

Aussitôt le fils de Scanda, qui avait une torche à la main, mit le feu au bûcher. Il brûla près de deux heures. Les cendres et les os qui restaient furent soigneusement enveloppés dans des pièces de laine blanche, et j’expédiai deux hommes exprès pour les jeter dans le Kavery.

« Ce n’est pas moi qui ai fait brûler cette femme ; c’est elle-même, vous le voyez, qui a voulu rendre hommage à la mémoire de son mari.

Le président. — Ce fils de Scanda qui a mis le feu était-il aussi le fils de la malheureuse, ou celui d’une autre femme ?

Hyder-Ali. — C’était son fils aîné.

Le président. — Mais cela est horrible. Est-ce que cet homme est parmi les accusés ?

Hyder-Ali (après s’être retourné et avoir parcouru la masse des accusés). — C’est le huitième du quatrième rang.

Le président. — Il se nomme ?

Hyder-Ali. — Scanda ! Il a pris le nom de son père en entrant dans l’association.

Le président. — Scanda, approchez !

Cet ordre fut immédiatement communiqué en tamoul à l’accusé, qui ne comprenait que cette langue et l’argot des Thugs, et l’auditoire vit alors sortir des rangs des Étrangleurs un pauvre diable chétif et malingre, qui avait débuté dans la carrière du crime par l’horrible sacrifice dont venait de parler Hyder-Ali.

La foule se souleva pour voir le parricide. Le misérable rampa vers le tribunal plutôt qu’il ne s’en approcha.

Ses cheveux étaient en désordre, ses vêtements en lambeaux.

On eût dit un chacal.

Ses yeux étaient baissés, sa voix était voilée ; on l’entendait à peine.

— Scanda, lui dit le président, vous êtes le fils de celui qui s’est tué par ordre d’Hyder-Ali et de la malheureuse femme qui s’est brûlée sur son bûcher. Ce que vient de dire votre chef est-il donc vrai ?

— Tous est vrai, répondit Scanda.