Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/90

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elles me souriaient et ont expiré sans pousser un soupir. Elles savaient que je leur donnais une vie éternelle de bonheur ;

Parmi les 163 accusés, plus de 60, peut-être, firent des aveux semblables.

Ce ne fut qu’une litanie sans nom de crimes et de forfaits ; les autres occupaient dans la bande des fonctions moins importantes. Leur fanatisme stupide faisait parfois pitié.

Lorsqu’ils eurent été tous entendus, beaucoup d’entre eux par l’intermédiaire des interprètes, il ne resta plus à interroger que l’Hindou fait prisonnier dans les défilés des Gattes et auquel on devait la découverte de la bande tout entière.

Le colonel Sleeman lui avait promis la vie sauve, mais il n’avait pas voulu lui rendre la liberté avant qu’il eût avoué quel était l’enfant avec lequel il avait été trouvé et ce qu’il voulait en faire.

Le misérable, qui se tenait accroupi à l’extrémité de l’un des bancs des accusés, tressaillit lorsque le président l’appela par son nom.

Il s’approcha du tribunal en tremblant.

Ses yeux, démesurément grands, avaient une fixité étrange, quoique profondément enfoncés dans l’orbite.

— Vous vous appelez Roudanee et vous êtes barbier ? lui demanda le président.

— Oui, je m’appelle ainsi et je suis barbier à Chittore, déclara le misérable.

— D’où veniez-vous lorsque vous avez été arrêté sur la route de Rani ?

— Je venais de Chittore et j’allais rejoindre la troupe d’Hyder-Ali.

— Vous étiez avec un enfant qui paraissait hébété et n’osait lever les yeux sur vous ? Où aviez-vous enlevé cet enfant ?

— Je ne lui avais fait aucune violence ; je lui avais dit de me suivre et il m’a suivi.

— Nous allons l’entendre.

« Huissier, commanda l’honorable magistrat, faites venir cet enfant.

« Et vous Roudanee, poursuivit-il en s’adressant à l’Hindou, souvenez-vous bien que si la cour vous doit quelque indulgence, eu égard aux services que vous avez rendus au colonel Sleeman, elle mesurera cette indulgence à la sincérité de vos déclarations.

En ce moment, l’enfant fut introduit.

C’était un pauvre petit être d’une dizaine d’années, maigre et chétif. Il était couvert de haillons et se mit à trembler à la vue de son ravisseur.

Le président le rassura par quelques bonnes paroles qui semblèrent lui rendre un peu de courage.

Il se nommait Nazir.