Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/111

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Et comme je ne te fais pas l’injure de supposer que tu profiterais jamais de ta liberté, si elle t’était rendue, pour contracter une autre union, quelle serait ta situation dans la société ? Tous les principes que ta sainte mère et moi nous t’avons inculqués et que tu ne saurais oublier te condamneraient à être la veuve d’un époux vivant, et à terminer tes jours dans la solitude, courbée sous le mépris de tous.

 « Et si tu échoues, si les tribunaux te renvoient tout simplement à tes devoirs, quelle sera ton humiliation lorsqu’il te faudra, honteuse, soumise, réintégrer le domicile conjugal, où tu n’auras plus droit qu’à la sévérité de ton mari, d’où tu auras chassé l’affection par ta révolte insensée ?

« Et ton fils, oseras-tu jamais l’enlever à son père si un jugement est rendu en ta faveur ? Quel sera son nom à cet enfant que l’annulation de ton mariage privera d’un état civil régulier ?

« Réfléchis donc bien, pendant qu’il en est temps encore ; ne romps pas avec ton passé honnête par un coup de tête qui te créera d’éternels remords si tu gagnes ton procès et te condamnera, si tu le perds, à une vie commune qui sera fatalement plus pénible que celle dont tu auras tenté de t’affranchir ! »

Si M. de Tiessant s’était adressé dans ces termes-là à sa fille avant de lui faire la scène brutale que nous avons racontée, ou même, cette scène pouvant s’expliquer par un premier mouvement de colère, avant de lui écrire la lettre d’injures et de menaces