Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/131

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Cependant, par discrétion, il ne l’avait pas questionné, et lorsque Ronçay, dont le cœur débordait, s’était décidé à ne plus rien lui cacher de l’état de son esprit, il ne l’avait pas plaisanté. Il s’était contenté de lui dire avec un sérieux dont il n’était pas coutumier en semblable matière : Prends garde, frère, rien de plus grave ne pouvait troubler ta vie.

Et il s’était mis à suivre avec inquiétude, en praticien qui étudie sur un être aimé un cas dangereux de pathologie, les phases diverses par lesquelles passait, en ne cessant de grandir, l’amour de Gilbert pour Éva. C’est ainsi qu’ils avaient atteint le jour des débats, auxquels, malgré les conseils de son ami, Ronçay voulait assister.

Dès le début de l’exposition de l’affaire, Me  Mansart fut à la hauteur de sa réputation de jurisconsulte. Il appela habilement, à l’appui du cas soumis à la justice, tous les articles du Code civil qui militaient en faveur de la requête de Mme  Noblet : le manque de publicité donnée à son mariage, la contrainte qu’elle avait subie, contrainte morale il est vrai, mais non moins entachée de violence, que si cette jeune fille de quinze ans, sans expérience, avait été réellement traînée de force à l’autel ; célébration de cette union clandestine à une heure inaccoutumée, dans une petite chapelle déserte, par un prêtre anglais et en langue anglaise, que la victime de ce véritable guet-apens ne comprenait pas bien à cette époque.

Il passa ensuite à l’existence isolée à laquelle la