Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/197

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pas resté un seul jour sans s’inquiéter de ce qu’elle devenait.

Quand Mme Bertin lui avait appris que, remise en liberté par le procureur impérial, sa nièce s’était réfugiée au couvent des Augustines et qu’il n’était plus question pour elle d’une poursuite correctionnelle sous la prévention d’adultère, mais seulement d’une séparation de corps, Ronçay avait supposé que M. Noblet, revenu de ses soupçons injustes et honteux de sa conduite, se contenterait de cette satisfaction et qu’ensuite il laisserait sa femme en repos.

Il s’était alors abstenu de tenter de rencontrer Éva ; jamais même, de peur de la compromettre, il ne s’était hasardé à passer par la rue de Sèvres. Il dégonflait son cœur en parlant de la malheureuse enfant avec sa voisine, en ne dissimulant plus rien de son amour à son ami Bernel, qui ne le plaisantait pas, s’étant pris, lui aussi, malgré son scepticisme, d’une véritable affection pour cette adorable créature que les conventions sociales, dont il était l’ennemi par principes, vouaient, selon ce qu’elle ferait d’elle-même, ou au désespoir dans un chaste isolement, ou au bonheur dans la honte d’une liaison illégitime.

Il est donc aisé de comprendre quelle douleur causa au créole le jugement qui condamnait Mme Noblet à la prison, et quel désespoir l’envahit quand il sut qu’elle s’était constituée prisonnière, qu’elle était à Saint-Lazare, cette maison infâme dont le nom seul fait frissonner d’épouvante les filles.

Informé que la veuve de l’universitaire était allée