Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/204

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Mais un sort maudit la rendait donc fatale à tous ceux qui lui tendaient la main, puisqu’elle songeait à un suicide qui les laisserait si malheureux !

Eh bien ! non ; ce serait lâche de fuir ainsi ces dévoués ; elle voulait du moins les revoir une fois encore avant de leur dire un éternel adieu.

Un éternel adieu ! Et elle n’avait pas vingt ans, et elle était aimée ; elle aimait peut-être elle-même ! Pourquoi le ciel n’avait-il pas envoyé Gilbert sur sa route trois années plus tôt ? Elle aurait remis son sort entre ses mains ! Comme il l’aurait protégée ! Comme elle serait devenue invincible !

Ces pensées qu’Éva se reprochait d’accueillir lui causaient un trouble inconnu. Elle évoquait le nom de son fils pour chasser celui de Ronçay, mais les deux noms se confondaient en son esprit. Robert lui apparaissait, sa petite tête blonde appuyée sur l’épaule du sculpteur, et il lui semblait l’entendre lui murmurer à l’oreille : Console-la, aime-la, remplace-moi auprès d’elle ! Alors elle étendait les bras pour envelopper son enfant, et c’était le cœur de Gilbert qu’elle sentait battre contre sa poitrine !

Le jour seul arracha Mme  Noblet à ces hallucinations, tour à tour douloureuses, folles, enivrantes. Ce ne fut qu’après s’être levée qu’elle reprit un peu possession d’elle-même et que, se mettant avec courage en face du sacrifice qui lui était imposé par la loi, elle s’efforça de se trouver moins à plaindre.

Il était impossible qu’on la séparât complètement de son fils ; on le lui laisserait voir, ainsi que, d’ail-