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Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/214

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ment épris de l’art, il ambitionnait de devenir célèbre plutôt encore pour celle qu’il adorait que pour lui-même. Lorsque son amie était là, près de lui, brodant, lisant, ou interprétant avec son âme d’artiste quelque page de Beethoven ou de Chopin, le sculpteur suspendait fréquemment son travail et, les mains barbouillées de terre glaise, il courait à elle, pour l’embrasser et la remercier à genoux du bonheur qu’il lui devait.

Souvent, sur la grande peau d’ours qui recouvrait le parquet, dans un des angles de l’atelier, où la place d’honneur était occupée par la « Vierge des Flots », que Gilbert avait exécutée en marbre, mais dont il ne voulait pas se séparer, c’étaient des parties sans fin entre Blanche et Pierre.

Le doux et brave Africain s’était fait bonne d’enfant depuis que Jeanne avait été élevée à la dignité de femme de chambre, car la jeune Bretonne était restée au service d’Éva après le départ de Robert, et il retournait avec joie à l’esclavage en faveur de ce petit être blanc et rose, que ses grosses mains noires berçaient aussi délicatement que l’aurait fait la mère la plus attentive.

De temps en temps, l’atelier devenait aussi une salle de spectacle ; on y jouait la comédie, — c’était déjà la mode à cette époque, — et dans ces représentations intimes auxquelles des acteurs de premier ordre donnaient parfois leur concours, Mme Noblet faisait preuve d’étonnantes dispositions pour le théâtre.

Sa diction était excellente, sa voix bien timbrée,