Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/219

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d’ignominie dans lequel tu nous enveloppes tous, ton mari, ton père et ton fils.

« Louis de Tiessant. »


L’effet que produisit cette lettre sur Éva fut d’autant plus affreux qu’elle s’attendait moins à la recevoir, puisqu’elle croyait son père à l’étranger. Ce fut pour elle un véritable coup de foudre.

Après avoir successivement pensé qu’elle avait mal lu, que cette épouvantable épître était l’œuvre d’un faussaire, ou que M. de Tiessant était fou, elle eut le courage de la relire sans en passer une phrase, un seul mot, n’hésitant plus à saisir le sens des reproches et des outrages qui lui étaient adressés ; et cela fait, des larmes de colère dans les yeux, des sanglots d’indignation dans la voix, elle s’écria :

— Je suis donc irrémédiablement condamnée au malheur ! J’étais bien heureuse cependant. Ah ! oui, trop heureuse !

Et la tête entre ses mains qu’inondaient ses pleurs, elle se mit à songer.

Heureusement encore qu’Éva était seule, car certainement, dans son premier mouvement de douleur, elle eût montré ces lignes à Gilbert, et il est aisé de comprendre ce qui serait arrivé. Rien n’aurait pu calmer et arrêter le créole ; il se serait mis à la recherche de cet homme qui retrouvait tout son fiel de pamphlétaire pour accabler sa fille, et il y aurait entre eux quelque scène violente, qui ne se serait terminée que sur le terrain.