Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/221

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Tout se passait donc, dans cet ordre d’idées, sans que rien pût éveiller les susceptibilités de la jeune femme. De plus, l’élévation même de son cœur ne lui permettait pas la pensée que partager la fortune de celui qu’elle aimait pût être un abaissement. Si même cette pensée lui fût venue, elle l’eût repoussée avec mépris, comme indigne de Ronçay et d’elle-même.

Mais cette pensée troublante, qui l’avait conduite à un retour sur elle-même et modifiait sa façon d’apprécier sa situation, lui était suggérée par son père ; d’autres pouvaient avoir aussi cette opinion, et peut-être même s’étaient-ils déjà exprimés à son égard dans des termes aussi blessants que ceux dont il se servait, lui, avec sa fille. Il ne fallait pas que cela durât ; il ne fallait pas qu’on pût l’insulter de nouveau et souiller son amour d’un soupçon de vénalité ! Oui, elle se ferait une carrière, qui la rendrait indépendante, et alors elle serait forte contre tous et contre tout.

Or, cette carrière, elle lui était tout indiquée, puisqu’on lui affirmait qu’elle avait de si grandes dispositions pour le théâtre, et elle sentait que cela était vrai.

Au lieu de jouer la comédie pour quelques intimes et pour se distraire, elle la jouerait devant le public, pour se faire une situation. Peut-être serait-elle un jour, en effet, une grande artiste comme on le lui avait prédit. Gilbert certes ne l’aimerait pas moins ! Ainsi que lui, elle deviendrait célèbre, et il