Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ainsi que tout Paris, par quelles épreuves elle avait passé, la reçut à merveille. Quand elle lui eut fait part de ses intentions, non seulement il lui offrit gracieusement ses bons offices, mais il lui promit aussi le secret le plus absolu ; et comme il reconnut peu de temps après qu’il avait affaire à une élève intelligente, tenace et remarquablement douée, il mit tant d’amour-propre à développer ses dons naturels que, moins de trois mois plus tard, Éva se rendait compte elle-même des progrès qu’elle faisait chaque jour.

Alors, afin de s’accoutumer au public et à la rampe, ce qu’elle ne pouvait faire en montant sur un de ces théâtres privés où les maîtres exercent leurs élèves, car elle craignait que quelque indiscrétion ne fût commise, elle rendit plus fréquentes les soirées dramatiques dans l’atelier du boulevard des Invalides. On y éleva une véritable petite scène ; on y joua des proverbes, des pièces en un acte, et bientôt il ne fut question dans le monde artistique que du talent de comédienne de Mlle  de Tiessant.

Gilbert lui-même en fut si frappé, un soir qu’Éva avait été un adorable Zanetto dans le Passant, qu’il lui dit en riant :

— Quel feu, quelle diction, quelle sûreté ! On croirait que tu sors du Conservatoire… avec un premier prix. Cela commence à m’inquiéter un peu. Tu ne vas pas au moins te prendre de passion pour le théâtre ?

— Eh ! si je devais devenir une grande actrice, est-ce que cela te déplairait à ce point-là ?