Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/238

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gnan, Lauzun, Triboulet ou Robert Macaire, sans s’apercevoir qu’il n’est surtout, trop fréquemment, que M. Jourdain.

— Oh ! mon ami !

— Mais ne parlons pas des hommes qui savent encore, parfois, grâce à une force exceptionnelle de caractère et à leur talent, rester de galantes gens dans cet enfer où tout est faux, depuis les feux qu’on y allume et dont on brûle, jusqu’aux fruits qu’on y sert à table ; ne nous occupons que des femmes. Il est entendu que je ne parle pas de ces filles pour qui le théâtre n’est qu’un champ de galanterie, comme le sont pour d’autres le Bois et les courses, mais seulement des femmes qui caressent le rêve de gagner leur vie en suivant la carrière artistique.

« Eh bien ! ma chère Éva, de ces honnêtes femmes-là, une sur cent réussit à peu près à se créer une situation indépendante, les quatre-vingt-dix-neuf autres succombent à la peine, s’éparpillent en province sur des scènes de troisième ordre, ou augmentent à Paris le nombre de ces demoiselles qui ont les meilleures places aux premières représentations et se moquent, avec leur rire bête et prétentieux, des anciennes camarades de cours dont elles ne sont pas dignes de décrotter les chaussures.

— Mais, mon cher docteur, c’est effrayant, tout cela !

— Ce n’est rien encore. Je ne vous ai pas tout dit. Est-ce que vous vous imaginez qu’il suffit d’avoir du talent et d’être jeune, jolie, courageuse, pour arriver