Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/284

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C’était grâce à cette perspective de bonheur à brève échéance que Mlle de Tiessant luttait avec une énergie surhumaine et contre la souffrance et contre le découragement qui parfois s’emparait d’elle, en se voyant arrêtée ainsi dans sa carrière au moment même où chaque jour avait semblé la rapprocher davantage du but de son ambition.

Du reste, son orgueil ne la soutenait pas moins que son amour ; elle voulait être plus forte que le mal ; au milieu des crises les plus atroces, dès que la morphine qu’elle s’administrait elle-même l’avait un peu calmée, elle ne désespérait pas, mais souriait au contraire à ceux que son courage émerveillait.

Elle continuait d’écrire à Gilbert qu’il n’avait pas à s’inquiéter, qu’elle allait être bientôt sur pied, qu’il la trouverait toujours belle ; et sachant que le docteur Bernel était parti pour New-York, délégué au Congrès médical américain, elle répétait volontiers à son amant qu’elle attendait impatiemment le retour de l’ami, mais pas du tout celui du médecin, dont elle n’avait que faire.

C’est ainsi que s’étaient écoulées deux semaines entières, et la courageuse artiste, qui avait des intervalles de repos presque complet, ne parlait de rien moins que de donner encore quelques représentations, dût-elle s’aliter ensuite de nouveau, quand, un matin que M. Tavini ne lui avait pas tout à fait dit non et venait de la quitter, Jeanne rentra près d’elle avec une lettre à la main et en disant :

— Je viens de trouver ça dans le salon. C’est