Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/288

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— Je vous en prie, madame, ne vous laissez pas abattre ainsi. Est-ce que les médecins ne se trompent pas neuf fois sur dix ! D’abord M. Tavini ne dit pas que vous êtes perdue ; il croit seulement que vous guérirez plus vite à Paris qu’à Rome. Ah ! maudite lettre ! pourquoi le docteur l’a-t-il égarée ? Et c’est moi qui vous l’ai apportée ! Je ne me le pardonnerai jamais !

— N’est-il pas préférable, au contraire, que je sache tout ? fit Mlle de Tiessant, en relevant la tête et en saisissant entre ses mains celles de la jeune fille. Ainsi je pouvais mourir ici, sans avoir vu ni mes enfants, ni Gilbert, sans les avoir embrassés ! Je pouvais mourir brusquement comme une païenne, sans m’y être préparée ! Ah ! mon père a raison, je ne veux pas mourir damnée !

Elle avait quitté son siège et se dirigeait vers le petit bureau où elle faisait sa correspondance. Jeanne l’arrêta à mi-chemin, et, la forçant à s’arrêter devant une grande glace :

— Mais regardez-vous donc, madame, lui dit-elle… Vous n’avez jamais été plus belle… Le docteur est fou !… Est-ce qu’on est fraîche et jolie comme ça quand on est si malade ! 

— C’est vrai, répondit Éva, avec un accent de désespoir impossible à rendre, après être restée quelques secondes les yeux fixés sur son image. Et condamnée !

— Pensez à M. Gilbert, à Mlle Blanche !

— Les pauvres chéris, que deviendront-ils quand