Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/333

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veuve, en se retirant par discrétion et satisfaite d’ailleurs de la tournure que prenait l’entretien des deux sœurs.

Aussitôt seules, celles-ci, sans amertume, parfois même en souriant, commencèrent à évoquer leurs souvenirs de jeunesse ; puis elles arrivèrent au jour de leur séparation et à ce qui s’était passé depuis cette heure cruelle. Blanche avait peu de chose à dire. Son existence était celle d’une recluse : monotone, pieuse, sans autre but que le ciel, et son récit ne fut pas long.

La comédienne, elle, avait autrement vécu ; mais elle ne pouvait tout raconter, car le nom de Gilbert serait venu à chaque instant sur ses lèvres. Elle se borna donc à parler de ses études, de ses succès en Italie, des débuts de la maladie dont la conséquence forcée était l’abandon de sa carrière ; et, sans s’apercevoir du changement qui s’était fait dans la physionomie de sa sœur, qui, peu à peu était devenue triste, presque sévère, elle lui expliqua comment elle avait été reçue par Pie IX, et sans doute elle allait passer à l’impression que lui avait causée cette audience, lorsque tout à coup l’apparition d’une tête blonde, un éclat de rire, un « bonjour petite mère » l’interrompirent.

C’était Blanche que Pierre soulevait à bout de bras, devant la fenêtre.

— Bonjour, ma chérie, répondit Éva, en envoyant de la main un baiser à l’enfant. Va jouer. À tout à l’heure !