Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/337

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— Je vous en demande pardon, interrompit Mme Bertin, qui, prévenue par Pierre, était accourue ; mais Blanche m’avait promis de ne pas tourmenter notre chère malade, et je les avais laissées en train de causer si tranquillement que je ne pouvais prévoir ce qui arrive. De quoi as-tu donc parlé à ta sœur ?

— De son salut, ainsi que la religion me le commandait, fit Mlle de Tiessant avec fermeté.

— Et sais-tu à quel prix seul je puis le faire, mon salut ? fit Éva en se dégageant doucement de l’étreinte de Gilbert et en prenant ses deux mains entre les siennes : il faut que je sorte de cette maison, que je me sépare de toi, que je ne vous revoie jamais, ni toi, ni ma fille ! Moi qui suis déjà privée de mon fils ! N’est-ce pas, c’est bien cela que tu exiges ?

Sœur Marie de la Miséricorde, à qui s’adressaient ces dernières paroles, baissa la tête en signe d’assentiment.

À cette affirmation cruelle, Ronçay ne put réprimer un mouvement d’indignation, et il allait répondre lui-même. Son amie ne lui en laissa pas le temps, car elle reprit aussitôt, avec des accents d’inexprimable douleur :

— Mais dis-lui donc, Gilbert, combien j’ai déjà souffert, combien j’ai déjà expié, et quel sacrifice j’ai fait pour obtenir du ciel le pardon de mes fautes, moi qui t’aime toujours autant qu’autrefois ! Le cloître dessèche-t-il le cœur à ce point qu’il ne comprend plus rien de l’amour, de la tendresse, plus rien