Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/345

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puis cet orage m’énervait : il me rappelait celui qui éclatait à Rome pendant que nous étions au Vatican. Te souviens- tu ? quelle tempête ! Le Saint-Père lui-même ne comprenait pas que nous eussions eu le courage de sortir par un temps pareil. Que cela est déjà loin de nous ! Près de trois mois ! Comme je souffre depuis ces trois longs mois ! Ah ! je ne suis plus ta jolie Éva ! Car j’ai été bien jolie, n’est-ce pas ? Tu ne peux plus m’aimer, maintenant, je suis trop laide !

— Tu es folle, ma chérie, répondit Gilbert avec des efforts surhumains pour ne pas éclater en sanglots à chacune de ces tristes paroles. Tu es laide ? Regarde-toi donc ! Je ne t’aime plus ? Mais, au contraire, je ne t’ai jamais plus adorée !

Il s’était assis sur son lit, l’avait prise par la taille et la pressait sur son cœur, en lui présentant une petite glace qu’elle conservait toujours à sa portée pour suivre sur ses traits, de jour en jour, d’heure en heure, les ravages du mal implacable.

— Eh ! c’est vrai, fit-elle alors coquettement, en tournant la tête pour plonger ses yeux dans ceux de son amant qui la dévorait du regard ; c’est vrai, je ne suis pas trop mal encore ! Ah ! c’est que je t’aime toujours tant !

Et comme le créole l’attirait plus passionnément à lui, toute frissonnante, elle poussa un gémissement et se dégagea de son étreinte en ajoutant, avec un inexprimable accent de tendresse et de prière :

— Oh ! pas de la même façon qu’autrefois, mais