Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/382

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Cependant ce qui allait suivre devait être plus horrible encore.

De la fenêtre, le commissaire de police avait donné un ordre à son secrétaire, demeuré dans le jardin ; cet homme s’était rendu à l’entrée de la villa, sur le chemin longeant le petit bras de la Marne, et il revenait suivi de deux croque-morts aux vêtements râpés et coiffés de chapeaux graisseux. Ces hommes portaient une bière faite de planches de sapin, à peine rabotées et mal jointes.

Ils avaient enlevé ce cercueil sordide d’un corbillard sans draperies, sans ornements, attelé de deux chevaux étiques et conduits par un cocher sale et déguenillé : le corbillard des pauvres, derrière lequel se tenait, l’œil sévère, le visage ascétique, un religieux en robe de dominicain : M. de Tiessant.

Les amis de Ronçay étaient indignés. Quelques-uns s’étaient élancés au rez-de-chaussée, prêts à lui prêter main-forte, et il y eut lieu de craindre un instant qu’il ne tentât de résister à la loi par la violence, car à la vue de la bière où on voulait mettre son amie, il le comprenait bien, il s’écria :

— Oh ! cela, non, non ! Je ne le veux pas. Jamais !

Et, se jetant au-devant des porteurs, il les força de déposer leur sinistre fardeau en dehors de la pièce.

La physionomie empreinte d’une résolution terrible, disposé à obéir à quelque ordre que ce fût, Pierre s’était placé à côté de son maître. Mme Bertin et Jeanne s’étaient jetés à genoux contre le cercueil d’Éva, prêtes, elles aussi, à la défendre.