Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/58

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tait dans son magasin qu’elles allaient acheter les journaux français, et depuis que leur mari et père préparait son combat contre le trente-et-quarante et la roulette, il venait souvent à Jermyn-Street, où il paraissait se plaire beaucoup.

Parfois même il était galant avec Éva, mais celle-ci, qui n’était encore, en quelque sorte, qu’une enfant — elle avait à peine dépassé quinze ans — ne s’apercevait pas même des prévenances dont elle était l’objet.

Elle avait cependant pour le libraire plus de sympathie que d’antipathie, car il l’amusait par les ridicules qu’elle lui trouvait, surtout quand elle le comparait aux écrivains et aux artistes qu’elle avait vus à Paris, rue de Lille. Lorsqu’il se hasardait à lui faire un compliment, elle y répondait par une grande révérence, et s’il lui apportait une fleur, surtout si c’était une rose, elle l’en remerciait en gamine ravie qu’on voulût bien s’occuper d’elle.

Henri Noblet, le commanditaire de l’opération, était donc parti avec M. de Tiessant pour l’Allemagne, mais leur absence ne fut pas longue. Après une quinzaine de jours, ils rentrèrent à Londres l’oreille basse et la bourse vide. Cependant l’inventeur du système n’avait pas un seul instant abandonné sa fameuse marche ; il ne s’était pas permis un seul coup de fantaisie. C’était peut-être cette sagesse même qui l’avait perdu : sa ruine avait été mathématique.

L’affaire coûtait au boutiquier de Coventry une vingtaine de mille francs, et comme c’était un