Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/60

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paternel, ou pensait-il vraiment que sa fille, en raison du triste avenir qui la menaçait, faisait mieux de déserter la lutte ?

Quoi qu’il en fût, une huitaine de jours plus tard, Blanche partit avec sa mère dont le désespoir était profond. La pauvre femme, qui ne pouvait se consoler de la mort de son fils, comprenait bien que c’était un second enfant qu’elle allait perdre pour toujours. Mais malgré toutes ses infortunes successives, elle demeurait l’épouse soumise, aveugle, qu’elle avait toujours été, plaignant son mari plus encore qu’elle ne se trouvait à plaindre elle-même.

Éva, à qui on avait soigneusement caché le motif réel du départ de sa sœur, supposait tout simplement qu’elle devait se placer en France, dans quelque pensionnat, et cette séparation lui causait déjà beaucoup de chagrin, car elle l’aimait sincèrement et pressentait aussi que sa vie à elle, restée seule, allait devenir plus triste encore. Mais quand après une absence d’un mois, sa mère revint et, le cœur brisé, lui dit toute la vérité, elle fondit en larmes et, courant après son père, qui, aux premiers mots de l’explication donnée par sa femme, avait esquissé un mouvement de retraite, elle s’écria :

— Et tu l’as laissée partir ! Oh ! que c’est mal, que c’est mal !

Pour la première fois, la jeune fille sentait son cœur s’ouvrir au blâme et à la révolte. M. de Tiessant le comprit si bien et en fut si blessé dans son orgueil, qu’il riposta brutalement :