Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/65

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ces héros de roman que les plus chastes jeunes filles entrevoient dans leurs rêves.

À Paris, Éva n’avait jamais été qu’une enfant pour les amis de son père ; nul des commensaux de la rue de Lille ne l’avait particulièrement intéressée. Tous l’avaient constamment traitée en fillette sans conséquence. Elle était, certes, intelligente, spirituelle et même un peu coquette, mais son cœur ne s’était jamais entr’ouvert à l’amour. Ce mot n’était pour elle que le synonyme d’affection, de tendresse. Son imagination, dans cet ordre d’idées, ne cherchait rien.

Non seulement, grâce à l’atmosphère de pureté que sa mère avait toujours entretenue autour de ses filles, mais aussi par sa propre nature, de même que l’hermine se gare de la moindre souillure, tout en Éva était candeur et virginité, et cela lui donnait un charme inexprimable, car dans sa taille ronde, son buste élégant, ses beaux yeux aux paupières légèrement estompées, la femme apparaissait déjà avec ses attractions troublantes. Il ne s’agissait donc que de la diriger doucement, sans secousse, vers le but pour lequel sa répulsion n’était qu’instinctive et irraisonnée.

Aussi l’écrivain, qui connaissait bien son enfant, lui répondit-il :

— Mais si M. Noblet n’avait pas son âge, j’aurais assurément repoussé sa demande. Le souci que j’ai de ton bonheur ne me permettrait pas d’unir ton ignorance des choses de la vie à l’ignorance de qui