Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/75

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— Vous voilà seul maintenant, tout à fait seul, puisque vous ne m’avez même pas gardée près de vous pour prier. »

M. de Tiessant releva la tête, se rapprocha vivement du lit près duquel il s’agenouilla un instant, puis il sortit sans prononcer une parole, mais en jetant sur sa fille un regard de colère. Il ne devait jamais oublier ces mots que venait de lui arracher la douleur. La malheureuse était destinée à les expier cruellement un jour.

Le surlendemain, on enterra la morte ; vingt personnes à peine suivirent le convoi de celle qui, pendant dix ans, avait reçu et fêté les notabilités du monde artistique et littéraire, monde ingrat et oublieux entre tous, il est vrai, et Mme Noblet, à l’issue de la cérémonie, vint faire ses adieux à son père.

— J’ignore, lui dit-elle, quand nous nous reverrons et même si nous nous reverrons jamais, car j’ai le pressentiment que ce mariage auquel vous m’avez contrainte et qui ne me permet pas de rester près de vous me sera fatal.

— Tu es une sotte ! interrompit durement l’écrivain. On dirait vraiment que je t’ai forcée à épouser M. Noblet ! C’est un brave garçon. Tu devrais t’estimer trop heureuse d’être sa femme. En tout cas, tu choisis un singulier moment pour te poser en victime et m’adresser des reproches que je ne mérite pas. Si je plains quelqu’un, c’est mon gendre et non toi, dont les idées romanesques se calmeront, je l’espère. Bon voyage et au revoir, mais seulement lorsque tu